samedi, avril 29, 2006

Atelier du 28 avril 06

Proposition d'après la roman "De sang-froid" de Truman Capote
Dans ce roman, Truman Capote relate un fait divers survenu au Kansas à la fin des années 50 : une famille sans histoires est retrouvée assassinée dans sa ferme isolée. Aucun indice et pas de motifs. Truman Capote rend compte de ces évènements et de l'histoire des meurtriers de manière précise et dégagée de toute émotions. Outre le fait qu'il saisisse au passage l'esprit d'une époque et dresse le portrait d'une Amérique profonde, ce roman est d'une minutie remarquable. Truman Capote utilise les signes de ponctuation pour organiser son récit avec rigueur. Ainsi lorsqu'il rend compte du moment où les criminels, Dick et Perry, en fuite pour le Mexique, ont lu dans le Kansas City Star un compte rendu de l'enterrement des victimes auquel assistait une foule nombreuse:
"Mille personnes! Perry fut impressionné. Il se demanda ce qu'avaient coûté les funérailles. L'argent le préoccuppait beaucoup, quoique d'une façon moins pressante qu'au début de la journée, une journée qu'il avait commencée "sans un radis". Depuis lors, sa situation s'était améliorée ; grâce à Dicu, il possédat maintenant "un assez beau magot", suffisant pour se rendre au Mexique."
La proposition consiste à rendre compte d'un fait divers (nous nous sommes interrogés à l'occasion sur ce qu'était au juste un fait divers?) en utilisant tous les signes de ponctuation : virgule, point-virgule, deux points, point (y compris d'interrogation, d'exclamation, de suspension) et guillemets.
Christophe
Le 18 Février 2004, il était environ 18h45 lorsqu’un enfant de sexe masculin pesant 3,4 kilogrammes naquit dans la maternité d’une petite ville du centre de la France. A peine eut-il poussé ses premiers cris que la mère, qui venait de lâcher la main de son époux, demanda à la sage-femme : « C’est bien une petite fille? ». L’accoucheuse, qui était en train d’enrouler un linge blanc autour du nouveau-né, leva un regard interrogateur vers la mère. Arrivée de Slovaquie moins d’un mois auparavant dans le cadre d’un échange de personnels hospitaliers entre pays de l’Union Européenne, cette jolie jeune femme d’environ 25 ans, n’avait qu’une connaissance sommaire de la langue française. Elle s’était efforcée d’acquérir les rudiments de vocabulaire technique indispensables à ses échanges avec les professionnels hexagonaux de l’obstétrique, au détriment du langage permettant les dialogues courants avec les patientes et leurs familles. Il fallait donc souvent s’y reprendre à plusieurs fois avant qu’elle saisisse le sens d’une question banale. Les jeunes parents, charmés par l’accent venu du nord de la sage-femme, avaient mis sur le compte de sa discrétion et d’une réserve naturelle ce qui relevait en fait de l’incompréhension. La mère répéta : « C’est une fille ? ». Nouveau regard souriant. Elle reprit plus fort « Je vous demande si c’est une fille. J’ai quand même le droit de savoir si c’est une fille ! ». Le père se dirigea vers le nourrisson que lui tendit la sage-femme.
Hélène :
"A mort la mort !" conclut Dédé au-dessus du philosophe ainsi nommé pour sa tolérance à la dive bouteille et aux malheur des autres. C'est tout le groupe qui a crié ce rite d'accompagner jusqu'à leur dernière demeure les "sans résidence stable", appelés faussement pour certains "SDF", puisqu'ils habitent, depuis plusieurs années, le même pont. Un bonnet a circulé ; des fleurs ont été choisies et lancées dans la fosse par les participants. Il y en a toujours un pour rappeler aux autres un bon moment avec le défunt et, pour le philosophe, cela vient d'être le cas.
Saurai-je mobiliser autour de moi une assemblée aussi peinée ? Hélas, je ne serai plus là pour en bénéficier…
Clara :
Puerta del Sol Juin 1984
Pedro ?
Atonio !
Que tal ?
Le temps avait fait son ouvrage : ciselé des rides à leurs tempes, abaissé leurs paupières, parcheminé leur cou mais leurs traits les sculptaient avec une précision qui traversait les âges. Ils n'avaient eu aucun mal à se reconnaître ; ils en avaient même oublié de s'ignorer. A quand remontait leur dernière rencontre ? Chacun faisait le calcul dans sa tête : 1939. Oui, c'est bien ça, mai 1939, 44 ans 11 mois qu'ils ne s'étaient revus. Entre eux se profilaient la gare, deux valises, et Pilar, silencieuse sur le quai. Celui qui allait prendre le train avec elle n'était pas celui qui l'avait accueillie sur ce même quai 3 ans plus tôt. Qu'y pouvait-on ? La guerre était passée, exilant l'un à Argeles tandis que l'autre resterait à Madrid, veillant sur Pilar. Son ami la lui avait confiée. Les premiers temps, Pedro sonnait régulièrement chez Pilar qui descendait à sa rencontre. "Tu ne manques de rien ? J'attends pour demain un jambon de San Sebastien." Pilar le remerciait et remontait prestement. Puis les stations dans le hall de l'immeuble se prolongèrent, ponctuées par les déclics de la minuterie et quelques tunnels d'ombre d'où ils sortaient parfois en se frôlant les mains. Un soir, le tunnel s'assombrit pour de bon, pour de long, et leurs mains ne tentèrent aucun effort pour s'échapper. Ce soir là fut le premier d'une série. C'est un soir aussi que le bel Antonio reparut. C'est un matin qu'ils furent trois pour deux valises sur le quai. Antonio n'avait jamais repris le train. Il était resté à Madrid et chaque jour il passait la Puerta del Sol.
Marijo
Fait d'hiver
France Inter, le journal de huit heures :
"Mesdames et messieurs bonjour!
A deux heures ce matin, à la hauteur de l'île Saint Louis, alors que les crues d'hiver sont à leur comble un accident peu banal a causé le naufrage d'un bateau d'habitation et d'une barge qui a fini sa course contre les piles du Pont Neuf ; la navigation sur la Seine est interrompue jusqu'à nouvel ordre…
Négligence ou acte de malveillance? Un petit voilier amarré au pied de la Tour d'argent, éperonné par une barge folle chargée de gravier. Pot de terre contre pot de fer…
Fait divers sans importance pour qui n'est pas la jeune femme surprise dans son sommeil, contrainte de regagner à la nage le quai Saint Bernard par cette nuit glaciale…"

dimanche, avril 16, 2006

Atelier du 14 avril 06

Proposition d'après le livre de Bernard Werber "l'Empire des anges".
Imaginez la rencontre avec votre ange gardien.
"Mon interlocuteur est un petit barbu au regard fiévreux mal dissimulé par ses besicles. Il me tire, me pousse, insiste. Il dit qu'il est mon "ange gardien".
Ainsi donc j'avais un ange gardien? Quelqu'un qui surveillait ce que je faisais. M'aidait peut être... Cette information me rassure et m'étonne en même temps. Je n'étais donc pas seul. Toute ma vie quelqu'un m'a accompagné. Je le regarde plus attentivement.
Cette silhouette frêle, cette barbiche, ces lunettes du dix-neuvième siècle... Il me semble l'avoir déjà vu quelque part.
Le bonhomme se présente : Emile Zola
- Monsieur Emile Zola, l'auteur de Germinal?
- Votre serviteur, monsieur. Mais l'heure n'est pas aux ronds de jambes. Le temps presse .Dépêchons-nous.
Il m'affirme suivre ma vie depuis le début et m'assure que je ne dois pas me laisser faire maintenant .
- L'intrigue... euh, le karma était bon. La chute ratée. Par dessus le marché, la bonne procédure du jugement des âmes n'a pas été respectée. Ce procès est inique. Injuste. Anti-social.
Emile Zola m'explique qu'aux termes des lois en vigueur au Paradis, mon ange gardien aurait dû être présent à mes côtés lors de la pesée de mon âme afin de pouvoir, le cas échéant, me servir d'avocat.
Il me tire hors du tunnel et me pousse vers le plateau où trônent toujours les trois archanges. Devant le tribunal, il bouscule tout le monde, exige qu'on recommence tout. Il menace d'ébruiter l'affaire. Promet que son intervention fera jurisprudence. Il en appelle à toutes les règles de vie du Paradis. Il tempête :
- J'accuse les archanges d'avoir falsifié la pesée de l'âme de mon client. J'accuse les archanges d'avoir bâclé un procès qui les embarrassait. J'accuse enfin cette cour céleste de n'avoir eu pour seul objectif que d'expédier au plus vite une âme dont le seul péché est d'avoir eu de la curiosité!
Visiblement les trois archanges ne s'attendaient pas à ce coup de théâtre. Ca ne doit pas être tous les jours que quelqu'un se permet de contester une de leur sentences.
- Monsieur Zola, je vous prie. Veuillez accepter le verdict du tribunal céleste"
Christophe
Pendant que nos parents s’effondraient autour de petits corps inanimés et que des dizaines de créatures ininflammables en peluche multicolore se transformaient en souvenirs effarant, je prenais mon envol au milieu d’une escouade de poupons goguenards réunis pour le grand départ. Le personnel d’accompagnement nous a expliqué qu’on était des cas particuliers : les morts subites du nourrisson et les décès prématurés pendant les premières semaines nécessitaient un traitement particulier vu que là haut, personne n’avait encore été désigné pour nous accompagner. C’est donc par un tirage au sort aléatoire organisé dans l’urgence que nos anges gardiens seraient désignés pendant le trajet. On découvrirait le résultat à l’arrivée, vue qu’ils nous attendraient derrière les barrières d’arrivées, avec un petit panneau portant nos prénoms à chacun.

Thierry
J'attendais devant la porte sur laquelle était indiqué : " Pesée des Ames - Silence !".
La porte s'ouvrit et une voix me demanda d'entrer. Dans cette pièce sans forme beignée d'une lumière bleutée, trois personnes en face de moi. Elles se présentèrent comme étant les archanges. Planté là devant eux, sans que je l'entende venir, je devinai une présence derrière moi. Je voulus tourner la tête mais deux mains vinrent se poser sur mes joues pour bloquer le mouvement. Deux mains ! donc c'était un humain !.
Je crus reconnaître une odeur familière, mais à ce moment de mon après-vie mon cerveau devait me jouer un tour. Et pourtant...
Par moment, son souffle venait carresser mon cou. Comme avant...enfin j'aurais aimé à ce moment précis me retrouver comme avant avec lui.
Les trois archanges me dévisageaient tout en échangeant des propos inaudibles.
Je pensais à lui, nous, moi avec lui, lui sans moi, moi ici, lui ?
Je sentis le souffle se rapprocher de mes oreilles. Une voix me sussura à l'oreille "Nama saya..."Je n'au pas besoin d'entendre le reste pour comprendre qu'il m'avait attendu. Je fondis en larmes...Ste Ménéoulde fut innondée.

Hélène
Au cinéma ou à la lecture de romans sortis ces dernières années, je me laisse accrocher par les arguments échangés entre anges gardiens, entre mort tout frais et son attitré, ou entre ange et démon ; il me convient de repérer la sagesse des anges qui savent ne pas intervenir pour respecter la liberté de l'homme.
Mais l'ange d'Hitler avait-il un ulcère ? S'est-il senti frappé d'impuissance devant les répercussions des choix de son client ? Ou bien savait-il -comme les travailleurs sociaux et les thérapeutes de nos jours- prendre le recul suffisant pour ne pas en être atteint ? .
Quelques copines dialoguent devant moi avec leur ange gardien au moment de détecter où garer leur auto – si j'en rigole, certaines cherchent à me convaincre de l'intérêt de cette relation qui dépasse disent-elles la seule attente d'une satisfaction immédiate. C'est un compagnonnage un peu religieux…
Moi, je souffre trop au quotidien de solitude, de la mienne comme ce celle des autres pour pouvoir imaginer qu'existe ce regard porté sur nous, même de loin.

Clara
Depuis l'enfance, j'attribue à mon âme une forme et un aspect bien particuliers. Mon âme serait une pyramide élancée à la pointe recourbée, telle un bonnet de lutin. De couleur ivoire, elle serait luminescente, sorte de veilleuse pour chambre d'enfants. Elle aurait sa vie propre à l'abri de ma poitrine, les phases d'expansion lumineuse succédant aux phases d'obscur raccourcissement, comme une respiration. Pour veiller sur elle, mon ange gardien. Descendu d'un triptyque de Fra Angelico, tout de pastel vêtu et auréolé d'or , il reste en lévitation, deux pas derrière moi grâce au battement mesuré de ses ailes. J'ai peur de m'asseoir dessus. Le surprendre par un soudain volte face ou l'éclair d'un reflet dans la glace, sentir sa main sur mon épaule, le frôlement de ses ailes à mes côtés est un rêve que je caressais craintivement. Je le voyais gardien de mon âme, patient et routinier tout comme un gardien de phare. Qui l'avait envoyé ? Dieu le Père ? Je compris un peu tard que c'était une belle invention du père –Dieu ou pas- pour être tranquille avec ses enfants. C'était un émissaire plus efficace qu'une baby-sitter.

Marijo
-Fais pas chier. J'peux rien faire sans que tu sois derrière mon dos… Fais moi des vacances…
-Oh, ça va, j'ai pas ouvert la bouche. .
-Non, c'est vrai t'as plus besoin de parler, j'te connais depuis l'temps.
-Et alors, qu'est-ce que j'allais te dire vas y, dis moi?
-Que j'devrais réfléchir que ça fait longtemps que tu m'le dis et que je devrais être plus sérieuse et que et que.. Et moi, j'en ai mare. T'es pas drôle. Cesse de m'asticoter comme dirait ma mère…
-Teins, justement, est-ce que t' y penses à ta mère?
-Ah, voilà, nos y sommes. Je sais tu voudrais que comme ma mère je vive avec un crucifix entre les genoux en attendant la mort. C'est ça que tu veux? Ca fait cinquante ans que tu m'le répète.
-Non, j'fais mon boulot. C'est tout. J't'ai rien dit..
-Je sais tu ne dis rien mais tu as l'art jouer avec ma culpabilité et tout à l'heure j'vais encore être rongée de remords et t'auras gagné. Mais gagné quoi?
-Je sais ça te gêne de t'exposer.
-Y a une chose de la vie que j'ai bien compris c'est que la culpabilité, ça sert à rien. C'est un sentiment qui ne produit rien. Ca détruit de l'intérieur sans construire. Tout c'que tu m'dis j'le sais mais la vie est trop courte. Alors si tu veux me rendre service, j'aimerais que tu me foutes la paix avec tes momeries et tes sermons. Oublie moi et vas aux diables…

mardi, avril 04, 2006

Atelier du 31 mars 06

Le Bonheur

Clara
Le bonheur est verni d'illusion disait Madame du Châtelet. Et bien moi, je dirais que pour travestir la plate réalité, ce n'est pas d'illusion qu'il faut la parer, mais de rêve.
L'illusion nous évite de toucher terre et partant de nous blesser à son contact. Le rêve, lui, croît sur le terreau du manque et du désir engendré. Il travaille dans l'anticipation. Il a sa pente. Et c'est la vie entière qui tend vers sa réalisation. Marcher sur le fil tendu entre réalité et rêve. Frôler la chute. Se rétablir. S'élever, suspendu au-dessus de soi-même. Là est le bonheur. Le malheur, c'est la satiété. Le bonheur est un mirage infini, une promesse éternelle.


Hélène
Le bonheur, oui, elle connaît.
Ces dernières années, elle l'expérimente presque chaque soir lorsqu'elle frotte son corps sur les draps encore frais, qu'elle soulève des orteils la couette trop tendue, et qu'elle contemple autour d'elle avant d'éteindre : des chants d'allégresse fusent dans sa tête : les enfants sont au chaud sous son toit, ses proches en bonne santé, la soirée fut douce, la fatigue de la journée en valait la peine.
Après cette bouffée de gratitude sans interlocuteur, son esprit part transmettre des ondes qu'elle souhaite bénéfiques à ceux qu'elle imagine quittant le métro qui ferme et se cherchant un abri. Elle n'en a pas clairement conscience mais c'est peut-être la comparaison des situations qui la renforce dans son scénario quotidien de béatitude vespérale.

Thierry
Le bonheur pour moi c'est :
- Etre soi même alors que les autres sont différents
- Aimer les autres plus que soi
- T'aimer plus que moi
- Avoir soif d'amour même quand le coeur en déborde
- Donner sans rien en attendre en retour
- Profiter du moment présent sans penser à l'avenir
- Savoir regarder quand on se croit aveugle
- Se défaire du matériel pour s'enrichir du culturel
- Etre libre de penser en se croyant prisonnier des médias
- Dire la vérité quand d'autres vous mentent
- Remonter une pente après l'avoir descendue
- Ne pas compter le temps et avoir une montre
- Bouger dans l'immobilisme
- Savoir dire Non
- Savoir dire Oui
- Rechauffer l'autre quand il fait froid
- Voir le soleil les jours de pluie
- Se battre sans être défaitiste
- Accépter une défaite
- Refuser une victoire
- N'avoir que des remords mais pas de regret
En résumé, t'avoir rencontré.


Mathis
Bonnheur
Le bonnheur s’est être heureux et être heureux s’est être joyeux, être joyeux est ce que nous vivons tous. Le bonheur s’est aimé ce qu’on aimerait avoir alors qu’on l’a déjà, comme ma chienne et ma DS que j’ai ici même. Pour ca je suis un enfant heureux. Tout ca c’est le bonheur pour moi.

Christophe
J’sais pas à quoi ça tient, mais tout va bien. Plus que ça même, c’est carrément la belle vie. Pas du petit bonheur de tous les jours, des emmerdes évités ou des épreuves surmontées. Pas du bonheur par défaut, qui se déroulerait en slalomant entre les désastres. Pas du bonheur timoré qui enchaînerait les petites satisfactions. Non, c’est vraiment plus fort. C’est de l’extase. De l’audace. De l’envie. Du désir. De l’appétit. De la faim. De la chasse. De l’action. C’est tout, sauf des discours. C’est pas de la faconde éloquente, de la prose élégante, de la démonstration rhétorique ou de la versification savante. C’est de la folie. Ca part dans les sens. Ca éclate. Ca m’éclate. Je suis explosé. De la colère et de l’ivresse, du rire et des larmes, de l’amour et de la rancœur. Ca part dans tous les sens. Je veux tout. Et même le contraire. Ca me submerge. Ca m’inonde. Je suffoque. J’étouffe. Je meurs. Je joue. Je gagne. Je perds. C’est formidable et j’adore ça. Tout va bien parce que je vis. Alors même le malheur, il fait partie du bonheur.