samedi, janvier 07, 2006

Atelier du 06 janvier 06

Proposition tirée du livre Oscar et la dame rose d'Eric-Emmanuel Schmitt.
Oscar est hospitalisé dans un service de pédiatrie à cause d'une longue maladie. Depuis qu'il a surpris des bribes de conversation entre ses parents et le chirurgien qui vient de l'opérer, il est conscient de la gravité de sa maladie et de l'échec de l'intervention qu'il vient de subir. Choqué et déçu par l'attitude de ses parents qui n'arrivent à lui exprimer leur amour qu'en la couvrant de cadeau, Oscar se lie d'amitié avec Mamie Rose, une visiteuse médicale, qui lui conseille d'écrire une lettre par jour à Dieu...
(p 21-22) "Voilà. Alors Dieu, à l'occasion de cette première lettre, je t'ai montré un peu le genre de vie que j'avais ici, à l'hôpital, où on me regarde maintenant comme un obstacle à la médecine, et j'aimerai te demander un éclaircissement: est ce que je vais guérir? Tu réponds oui ou non. C'est pas bien compliqué. Oui ou non. Tu barres la mention inutile.
A demain, bisous,
Oscar
P-S. Je n'ai pas ton adresse. Comment je fais?"
La proposition d'écriture consiste simplement à se mettre à la place de Dieu et répondre à Oscar.
THIERRY
Mon cher Oscar,
J'ai bien reçu ta lettre malgré l'absence d'adresse...mais comme je suis Dieu !.
A ce propos tu n'étais pas le seul dans ce cas.
Je connais ton existence à l'hôpital, et à la question posée, je te réponds ni-oui, ni-non. Ta maladie fait ce qu'elle veut mais c'est aussi à toi d'en décider. Tu sais j'ai beau être Dieu je ne contrôle pas tout...D'ailleurs si j'avais su !.
Et toi, connais-tu mon existence quotidienne ? Sais-tu que ca dure depuis des millions d'années ?
Imagines un peu ma vie !. La Terre n'est pas une planète facile, c'est la seule qui soit peuplée;
6 milliards d'humains, et je dois renouveler le stock en permanence, sans compter les animaux, les fleurs, et j'en passe...Si j'avais su !.
Y a vraiment des moments ou j'ai envie de tout arrêter, et puis je me bats contre mon propre desespoir...je suis un besogneux !.
Comme disait mon Père, il faut toujours terminer ce que l'on a commencé; ce qui m'amène à penser que lui devait savoir !.
Post-Christum : Courage, et dis à la Dame en Rose de ne pas rentrer trop tard, j'ai d'autres missions pour elle !
Affectueusement.
Dieu.
Christophe
Oscar,
T'embêtes pas pour l'adresse, y a pas plus simple. Tu plies ton courrier, tu le mets dans l'enveloppe et tu le glisses dans la boîte. Pas besoin d'adresse et pas besoin de timbres, j'ai un service particulier. Un truc hyper performant. Non seulement j'ai droit à une tarification spéciale, mais en plus la livraison est assurée et les délais sont garantis. C'est encore plus fiable qu'un e-mail avec accusé de réception. Je t'assure : rien ne se perd et je prends connaissance de tout pour un prix imbattable. Je t'embarasse pas avec des détails trop techniques, mais je peux dire que j'ai trouvé le système d'acheminement parfait.
Le seul hic, c'est les réponses. C'est vrai qu'à ce niveau là, j'ai des plaintes. J'comprends pas bien, mais il m'arrive de recevoir deux ou trois fois la même lettre, venant des mêmes expéditeurs auxquels j'avais pourtant répondu. Tu penses bien que je leur retourne le double de la réponse. Certes j'y mets parfois un peu le temps (faut voir le boulot!) mais j'ai une réputation à défendre, la concurrence est dure et je suis pas du genre à abandonner des correspondants à leurs questionnements. Mais y en a qui s'entêtent, qui s'acharnent. Je suis parfois obligé de m'y reprendre à deux ou trois fois. Et tu le croiras si tu veux, malgré toute cette bonté, toute cette patience et toute cette bienveillance, j'ai même parfois des procès! Pas des gnognottes devant les tribunaux. Non, j'entends parfois des messes basses et des lamentations jusqu'au fond des confessionnaux. On soupçonne pas tout ce qui peut se dire, pire, tout ce qui peut se faire dans les confessionnaux. Tu veux que je te dise Oscar? Les gens sont méchants. Oui, MECHANTS!
Maintenant que tu sais comment faire, n'hésites plus à me réécrire. Ta lettre m'a fait bien plaisir... et même un peu rigoler pour tout te dire. Mais faut que je file. A la prochaine.
Dieu
Marijo
Oscar,
la question que tu me pose est difficile à recevoir. Savoir si tu vas guérir? Qui peut le dire? Personne ne serait attaché à la vie si le scénario était écrit d'avance. Ne préfères-tu pas lire un livre ou voir un film dont tu ne connais pas l'histoire?
Tu sais si les médecins n'arrivent pas à te guérir c'est pas si grave pour toi. C'est ta famille à qui ça poserait le plus de difficultés. C'est sans doute pour se protéger elle même qu'elle ne t'a pas informé de dernières conclusions. Elle a peur de tes questions, peur de ne pas savoir y répondre, peur de se mettre à se les poser elle même.
Et puis les médecins n'aiment pas avouer leurs échecs. S'ils étaient honnêtes ils te diraient combien ils aimeraient être moi. Ils se prennent souvent pour moi et quand la vie leur résiste, ils sont vexés. Ils sont lâches, n'ont pas envie de te parler d'homme à homme. Il faut les comprendre ce qu'ils auraient à te dire c'est qu'ils ne contrôlent pas tout même s'ils sont très fiers de sauver la plus part des enfants malades.
S'ils ne parvenaient pas à te soigner, toi tu ne seras plus. Le temps ne comptera plus, les souffrances non plus. A quoi bon te torturer l'esprit? Ce sont les autres qui souffriront. Ils le savent et n'ont pas envie d'y penser. Ce sont pas les plus longues vies qui sont les meilleures. Je dirais que ce sont plutôt celles durant lesquelles on fait les plus belles rencontres, les plus belles histoires d'amour. Vis ta vie au jour le jour et profite bien de madame Rose, c'est une aliée fidèle. On garde les liens et je serai toujours là pour te répondre à l'heure qui t'arrange
Hélène
Oscar mon garçon, Ta lettre à Dieu m'a épaté : Je croyais qu'à ton âge, on ne croyait plus au Père Noël et que dans la foulée le Bon Dieu tombait dans les oubliettes assez vite aussi. Après tout, je peux comprendre que, vu ta situation, tu aies envie de poser tes questions à quelqu'un d'extérieur à l'hôpital, puisque sur place tu ne trouves pas la bonne oreille. Mais tu es très direct mon garçon ! Tu poses la question qui coince tout le monde. Car la mort, mourir, c'est la grande affaire de tous, comme tu le vois à la TV. Cela paraît du vite fait bien fait partout sur la planète, à 35°, sous la pluie ou sous la neige, pour des adultes, des vieillards, ou des enfants, et la caméra est là pour t'informer… Comme tu le sais, la mort des autres peut rapporter gros à certains, ceux qui s'enrichissent avec la vente des armes, par exemple, ou ceux qui se sentent utiles en s'envolant vers les sinistres. Bon, tu vas penser que je noie le poisson, que je ne réponds pas à ta question, mais c'est que cela est difficile. Tu connais mon métier si tu as bien écouté les paroles de mon fils Jacques Dutronc, heureusement que grâce au succès de sa chanson, les Français vous ne doutez plus que j'existe, mais je n'en ai pas pour autant tous les pouvoirs, en particulier, je n'ai pas celui de savoir le jour de la mort de quelqu'un, et de la tienne en particulier. Alors, je te le dis tout net, à Noël, tu nous verras, moi ou mon fils, si tu n'as pas été sage, d'ici là arrange toi pour ne pas nous voir débarquer. Signé : le Père Fouettard.
Clara
Cher Oscar,
Alors comme ça, la dame en rose t'a conseillé de m'écrire ? Tu n'imagines pas le nombre de lettres que j'ai reçues depuis qu'elle vient voir les enfants du service, et plus embarrassantes les unes que les autres. C'est un vieux truc à elle, les lettres au bon Dieu.
Toi, je te sens perspicace alors je ne vais même pas essayer de te rouler. Tu as bien compris que j'étais une partie de toi et la réponse à ta question, tu es le seul à la connaître. Si, au fond de toi, tu ne la connaissais pas, tu m'aurais sans doute demandé : "dans combien de temps je vais guérir ?".
Faisons comme si les deux réponses étaient encore possibles mais permets moi de te poser à mon tour une question qui tient en deux mots : "et alors ?".
Oui, tu vas guérir, et alors ?
Non, tu ne vas pas guérir, et alors ?
Tu vas guérir et tu vas mener une vie de rescapé. Peut-être te demanderas-tu pourquoi tu as guéri alors que tant de tes petits camarades du service n'ont pas eu cette destinée. Peut-être décideras-tu de poursuivre différemment, de goûter chaque instant comme un miracle, de vivre le présent sans te soucier de l'avenir. Peut-être un jour de peine, penseras-tu qu'il aurait mieux valu en rester là une certain 19 décembre.
Tu ne vas pas guérir, et alors ?
Tu ne peux pas rester éternellement malade, car la maladie est un état transitoire. Tu l'as bien compris : si tu ne guéris pas, c'est parce que tu vas mourir. Je ne vais pas te raconter d'histoires d'anges qui montent au ciel. Tu sais que tu ne me rejoindras pas, car je ne suis qu'une partie de toi. C'est dans cette partie que tu te replieras et ça ne te suffira plus pour vivre. Toi, tu ne seras pas triste, mais il te faudra avant de partir réconforter tes parents qui perdront leur prolongement et se demanderont pourquoi ils t'ont mis au monde. Il te faudra de la patience.
Est-ce que tu vas guérir ? Je ne sais pas, mais tu as déjà beaucoup d'avancé.
Signé : Dieu