mercredi, mai 16, 2007

Atelier à Hardelot du 12 Mai 2007

Proposition d'après Microfictions
"Grand-mères d'autrefois" de Régis Jauffret
Régis Jauffret illustre l'une des tâches de l'auteur : se glisser dans une multitudes de personnages et créer des univers différenciés. Microfictions se présente comme un recueil de 500 fictions, souvent drôles et flirtant fréquement avec quelques horreurs si constitutives de l'humanité. A partir d'une de ces Microfictions la proposition consiste à dépeindre une grand mère en vacances (ce qu'aucun des participants n'était!) sans propositions principales (figre styllistique utilisée par R. Jauffret).
"- Maison de famille, l'été.
Construite à ras de la plage. La baie paisible. Pas de yatchs mouillés à proximité. Pas de bateau à l'horizon. On dirait qu'une portion de mer a été arrachée au large pour être posée là. De rares familles étendues sous des parasols rouillés, troués d'avoir passé l'hivers dans un abris de jardin. Les enfants qui courent sur le bord et qu'il faut supplier avant qu'ils consentent à profiter du beau temps pour se baigner dans l'eau froide. Les bébés qui piaillent un peu, qui dorment, qu'on sort du berceau pour les promener dans ses bras. Le marchands de glaces et de beignets qui passe avec son panier pendu à son coup par une courroie usée.
"
Christophe
Dans un village champenois ravagé par deux guerres. Rapidement reconstruits avec les moyens disponibles. Gris. Triste. Les rues bordées de murs en crépis. Quelques portes cochères avec les enseignes de propriétaires récoltants. Le village est à flanc de colline. L’est glisse vers le lit boisé de la Marne. L’ouest s’envole vers une statue de la vierge à travers des rangées de vignes. Les trottoirs sont étroits. Impossible de se croiser sans qu’un passant descende dans le caniveau. Ma grand-mère sort de chez la coiffeuse. Petite taille. Robe plissée. Cheveux courts. Sa mise en plis aux reflets mauves. Le clocher sonne 15 heures. Le Familistère, la boulangerie, le boucher et la Coop. Echange de sourires. Acquiescements. Signes de la main. Elle passe devant l’Eglise. De l’autre côté, la grille du château Montebello. Les caves Rolland Billecart. La maison Philipponat. Puis elle s’engage dans une large impasse. A gauche une pente douce pour que les camions montent les chargements de raisin vers le pressoir lors des vendanges. A droite, une maison louée à des ouvriers polonais. Au fond, la façade d’une maison à étages.
Marijo
90 ans à Noël, neuvième de la fratrie, dernière arrivée, dernière partie, Nati la mamie. Ravie, toujours en vie au haut de sa tour HLM. Un sourire réjoui. Mille choses à raconter, souvenirs d’une vie d’expatriée laborieuse et si exotique, trois couplets en espagnol et le reste en français.Dans la cuisine, un piaf solitaire compagnon de solitude. Son hobby : la gourmandise, préparer, déguster, partager avec qui la visite.
Au quinzième ni poussière, ni vitre à laver ni aide ménagère. Sa vie à servir et finir pas se faire servir despues ? Quand même...
Au quinzième le silence et les chants du pays.
Au quinzième pas de rideau, un jardin suspendu dopé à la lumière du ciel.
Au quinzième, la petite bonne venue de Saragos discute avec les nuages.
Hélène
Une grand mère en vacances.
Une location d’été pour une famille parisienne dans une région de châteaux et de propriétés de bridgeurs.
Des après-midis concentrés : autour de chaque table, trois joueurs qui lèvent le menton pour scruter les cartes jetées et qui le replongent dans leur écharpe pour préparer la réplique.
Les morts debout, accrochés au dossier de leur partenaire, et parfois à leur cane.
Une femme en tablier blanc, à la main discrète pour changer les verres de rafraîchissement.
L’âge moyen exige une lutte contre la déshydratation, l’insolation et l’humidité sous les arbres.
Une des participantes les plus fringantes, ma grand mère, un rouleau de cheveux teints sur la nuque et les lèvres perpétuellement en mouvement.
Ses trois préoccupations : vérifier qu’à la table voisine, son père ne manque de rien, que dans la bibliothèque, « son petit Jo » de mari ne s’impatiente pas , et GAGNER.
Chaque après-midi semble un combat : savoir faire équipe et gagner.
Depuis des années, ces couples tournent autour des tables ; une certaine excitation restera perceptible pour l’enfant que je suis, lorsqu’au dîner familial les coups seront commentés.

mardi, mai 08, 2007

Atelier du 4 Mai 2007

Proposition d'après "Miette" de Pierre Bergounioux.
"L'escalier de la cave, rongé par l'humidité,ayant commencé à donner des signes de faiblesse, il reçut l'appui de forts burins coniques pareillement engagé dans la maçonnerie. De sorte que le jour où une marche céda sous mon poids, l'un d'entre eux, qui dépassait d'une bonne trentaine de centimètre le limon, me froissa les côtes en long pour finir sa course dans le creux de l'aisselle. Je tenais à deux mains je ne sais quoi de fragile et de lourd que je n'entendais pas lâcher. Ca se serait mal terminé si mes pieds n'avaient touché le sol au moment où le burin arrivait au fond de l'espèce de cul-de-sac que forme la jonction du tronc avec le bras."
Dans le style ciselé de P. Bergounioux, qui utlise un vocabulaire précis et une manière ciselée, tenter de décrire avec le plus de précision possible une scène aussi pointue et improbable (nous nous entendrons pour proposer la même que celle de l'extrait).

Christophe
Dans les maisons préfabriquées pas chères des années 80, le peu qu’est pas en placo est livré en plastique. Sauf les fondamentaux de l’édifice qui sont coulés en béton pour que tout le reste puisse s’y accroché pendant la durée de la garantie décennale. Signez là avant qu’on sabre le champagne. Le savoir faire de nos ouvriers et l’ingéniosité de nos équipes d’architectes. Dix ans de garantie parce que c’est la loi, mais pour des décennies de tranquillité mon cher Monsieur. La qualité, ça ne trompe jamais.
On a sabré les cacahuètes et sifflé nos flûtes en se congratulant. Tout le monde était un peu pressé mais j’ai quand même parlé de la tâche d’humidité au sous sol. On s’est dit que c’était normal sur une fin de chantier, qu’on s’était un peu bousculé pour tenir les délais car on savait bien que tout le monde était impatient mais que c’était rien du tout, qu’en deux jours il n’y paraitrait plus. C’est du solide ça M’sieur Dame et si vous voulez avant qu’je parte on peut aller jeter un œil parce que je suis tranquille, y a pas de problèmes. Dans l’escalier, on a remarqué la qualité des finitions et celle des matériaux. On a donné des coups de talons sur les marches. On allait pouvoir dormir sur nos deux oreilles et surtout pas nous inquiéter.
Gilles
J’ai, à l’évidence, trop bu de ce délicieux Bourgueil accompagnant les rognons dont ce soir je me suis gavé.
Sec de mots, assoiffé de verbes, en mal d’adjectifs et d’adverbes, s’impose à moi comme une nécessité catégorique, si je veux continuer ce soir mon récit, la descente dans le noir dictionnaire coincé, là bas, entre de vieux numéros du « petit écho de la mode « et les œuvres complètes de Victor Hugo.
Après avoir allumé la pâle ampoule au-dessus de la bibliothèque, j’entre avec précaution dans le précieux dictionnaire dont je connais les chausse-trappes, les degrés incertains, la planche glissante des synonymes, toujours prêts à faire chuter le lettré le mieux averti.
Je tombe sur la lettre « M » ; L’œil bizarrement attiré par le nom d’un ancien dirigeant du parti communiste français, je ne vois pas que le nom qui suit, le mot « marche » est vermoulu et cède sous mon pas ; feuilletant à toute vitesse les pages qui défilent sous mes yeux, je me raccroche dans ma chute à la lettre B, comme burin, qui me fait en passant une belle estafilade sur le poignet et remonte en saignant mon bras jusqu’à l’aisselle. Provisoirement bloqué entre « burin » et « buse », mon pied avance à tâtons jusqu’à la lettre suivante, le C, comme « cave ». Pour inconfortable que soit la pose, mon pied s’y arrime quelques secondes. Me croyant tiré d’affaires, je reprends de l’assurance, mais la cave se rebiffe, et je reprends ma chute effrénée, déchirant ma chemise sur le mot « cran d’arrêt », me cognant la tête sur le mot « cruche », m’éclatant le cuir chevelu sur le mot « cervelle ». Un autre mot met un point final à ma chute : le mot « con ».
Marijo
En guise de patère pour sa veste de jardin, mon père avait glissé un burin entre deux moellons apparents de l’escalier de la cave. A une de mes expéditions souterraines, la septième marche, fatiguée d’être impitoyablement piétinée céda férocement avec un cri de fracas justicier. Jusque là menaçant, la présence d’esprit et l’adresse du porte-manteau pour me retenir d’un doigt ferme glissé sous mon bras le transforma en ange gardien. Empêché dans ma culbute, j’eu l’immédiate certitude que je devais ma vie sauve à cette ferraille jusque là dépréciée.
Hélène
Merci Hitler,
Sans lui, pas de moi,
Et je ne suis pas seule dans ce cas.
Que de rencontres provoquées par sa volonté,
sa nécessité pressante d’occuper Paris.
Mes grands parents paternels ont fui le XVI ème pour Angers, ville que traversaient mes grands parents maternels en provenance de la rive droite également.
Dans ce château d’amis communs, il a dit de ne pas l’attendre, que l’armée anglaise était loin.
Elle lui a confié sa chaîne de baptême, puis a refusé trois demandes en mariage pour lui.
Trent ans après, elle ne se lassait pas de le lui rappeler, il souriait d’un air gêné de la faire souffrir par ses retours tardifs.
Et moi, je sais : depuis l’enfance de mon père, une blondinette viennoise lui tient au cœur, il ne s’en cache pas, mais Hitler a bousculé des vies.
Le père autrichien était nazi, ces français combattaient le nazisme.
La brune du château angevin est devenue la fiancée, puis ma mère,
mais Hitler ne nous a pas rendus heureux.

vendredi, mai 04, 2007

Atelier du 6 avril 2007

Proposition : A partir du livre d'Eric-Emmanuel Schmitt "La part de l'autre" écrire un texte commençant par "Et si...."

Thierry :
Et si j'avais pu grandir dans un espace d'amour parental sécurisé, aurais-je été homosexuel ?.La réponse est "Oui".
Cette hypothèse de vérité sur l'amour sécurisé m'a été apportée comme le Saint Graal par mon psy, un jour d'Octobre 2001. Elle a changé ma vie. De la fiction je suis passé à la réalité. Enfin liberé, enfin dans ma vraie vie.
Cette profonde réflexion m'amène à penser que la vérité est bien plus forte qu'une simple hypothèse, mais que parfois la vérité naît aussi d'une hypothèse. De toutes les façons on ne change pas le cours des choses, sauf si une hypothèse vient boulverser une vérité....ou réciproquement !.

Marijo
Si seulement ce jeune Adolphe avait été reçu à son concours ! Comme tant d’autres étudiants, il en aurait sans doute était pleinement fière et satisfait. Son ambition : devenir le maître de la peinture contemporaine. Difficile à croire qu’il aurait pu susciter la jalousie de Staline. La chose artistique aurait sans doute habité son esprit tout au long de sa vie. Il se serait vu installé quelque part sur le flan d’une montagne à l’ombre de la forêt bavaroise. D’abord exposé dans les salons amateurs, son acharnement l’aurait lancé à la quête de la reconnaissance de ses paires. Son opiniâtreté l’aurait amené à chercher un moyen de se faire reconnaître plus que de vivre de son art. Chef d’atelier. Il aurait mis toute son énergie à faire connaître la valeur de ses élèves. Il aurait établi des règles strictes d’ordre et de discipline. Interdire toutes inspirations issues d’une culture autre que germaine…