mardi, mai 08, 2007

Atelier du 4 Mai 2007

Proposition d'après "Miette" de Pierre Bergounioux.
"L'escalier de la cave, rongé par l'humidité,ayant commencé à donner des signes de faiblesse, il reçut l'appui de forts burins coniques pareillement engagé dans la maçonnerie. De sorte que le jour où une marche céda sous mon poids, l'un d'entre eux, qui dépassait d'une bonne trentaine de centimètre le limon, me froissa les côtes en long pour finir sa course dans le creux de l'aisselle. Je tenais à deux mains je ne sais quoi de fragile et de lourd que je n'entendais pas lâcher. Ca se serait mal terminé si mes pieds n'avaient touché le sol au moment où le burin arrivait au fond de l'espèce de cul-de-sac que forme la jonction du tronc avec le bras."
Dans le style ciselé de P. Bergounioux, qui utlise un vocabulaire précis et une manière ciselée, tenter de décrire avec le plus de précision possible une scène aussi pointue et improbable (nous nous entendrons pour proposer la même que celle de l'extrait).

Christophe
Dans les maisons préfabriquées pas chères des années 80, le peu qu’est pas en placo est livré en plastique. Sauf les fondamentaux de l’édifice qui sont coulés en béton pour que tout le reste puisse s’y accroché pendant la durée de la garantie décennale. Signez là avant qu’on sabre le champagne. Le savoir faire de nos ouvriers et l’ingéniosité de nos équipes d’architectes. Dix ans de garantie parce que c’est la loi, mais pour des décennies de tranquillité mon cher Monsieur. La qualité, ça ne trompe jamais.
On a sabré les cacahuètes et sifflé nos flûtes en se congratulant. Tout le monde était un peu pressé mais j’ai quand même parlé de la tâche d’humidité au sous sol. On s’est dit que c’était normal sur une fin de chantier, qu’on s’était un peu bousculé pour tenir les délais car on savait bien que tout le monde était impatient mais que c’était rien du tout, qu’en deux jours il n’y paraitrait plus. C’est du solide ça M’sieur Dame et si vous voulez avant qu’je parte on peut aller jeter un œil parce que je suis tranquille, y a pas de problèmes. Dans l’escalier, on a remarqué la qualité des finitions et celle des matériaux. On a donné des coups de talons sur les marches. On allait pouvoir dormir sur nos deux oreilles et surtout pas nous inquiéter.
Gilles
J’ai, à l’évidence, trop bu de ce délicieux Bourgueil accompagnant les rognons dont ce soir je me suis gavé.
Sec de mots, assoiffé de verbes, en mal d’adjectifs et d’adverbes, s’impose à moi comme une nécessité catégorique, si je veux continuer ce soir mon récit, la descente dans le noir dictionnaire coincé, là bas, entre de vieux numéros du « petit écho de la mode « et les œuvres complètes de Victor Hugo.
Après avoir allumé la pâle ampoule au-dessus de la bibliothèque, j’entre avec précaution dans le précieux dictionnaire dont je connais les chausse-trappes, les degrés incertains, la planche glissante des synonymes, toujours prêts à faire chuter le lettré le mieux averti.
Je tombe sur la lettre « M » ; L’œil bizarrement attiré par le nom d’un ancien dirigeant du parti communiste français, je ne vois pas que le nom qui suit, le mot « marche » est vermoulu et cède sous mon pas ; feuilletant à toute vitesse les pages qui défilent sous mes yeux, je me raccroche dans ma chute à la lettre B, comme burin, qui me fait en passant une belle estafilade sur le poignet et remonte en saignant mon bras jusqu’à l’aisselle. Provisoirement bloqué entre « burin » et « buse », mon pied avance à tâtons jusqu’à la lettre suivante, le C, comme « cave ». Pour inconfortable que soit la pose, mon pied s’y arrime quelques secondes. Me croyant tiré d’affaires, je reprends de l’assurance, mais la cave se rebiffe, et je reprends ma chute effrénée, déchirant ma chemise sur le mot « cran d’arrêt », me cognant la tête sur le mot « cruche », m’éclatant le cuir chevelu sur le mot « cervelle ». Un autre mot met un point final à ma chute : le mot « con ».
Marijo
En guise de patère pour sa veste de jardin, mon père avait glissé un burin entre deux moellons apparents de l’escalier de la cave. A une de mes expéditions souterraines, la septième marche, fatiguée d’être impitoyablement piétinée céda férocement avec un cri de fracas justicier. Jusque là menaçant, la présence d’esprit et l’adresse du porte-manteau pour me retenir d’un doigt ferme glissé sous mon bras le transforma en ange gardien. Empêché dans ma culbute, j’eu l’immédiate certitude que je devais ma vie sauve à cette ferraille jusque là dépréciée.
Hélène
Merci Hitler,
Sans lui, pas de moi,
Et je ne suis pas seule dans ce cas.
Que de rencontres provoquées par sa volonté,
sa nécessité pressante d’occuper Paris.
Mes grands parents paternels ont fui le XVI ème pour Angers, ville que traversaient mes grands parents maternels en provenance de la rive droite également.
Dans ce château d’amis communs, il a dit de ne pas l’attendre, que l’armée anglaise était loin.
Elle lui a confié sa chaîne de baptême, puis a refusé trois demandes en mariage pour lui.
Trent ans après, elle ne se lassait pas de le lui rappeler, il souriait d’un air gêné de la faire souffrir par ses retours tardifs.
Et moi, je sais : depuis l’enfance de mon père, une blondinette viennoise lui tient au cœur, il ne s’en cache pas, mais Hitler a bousculé des vies.
Le père autrichien était nazi, ces français combattaient le nazisme.
La brune du château angevin est devenue la fiancée, puis ma mère,
mais Hitler ne nous a pas rendus heureux.