mardi, décembre 27, 2005

Atelier du 23 décembre 05

Proposition tirée de "La sorcière" Marie Ndiaye p 61, une très longue phrase :
"Elle avait cet air désorienté et grognon, légèrement agressif, ennuyé qui lui venait en l'absence du petit garçon, lorsque, par excès de désoeuvrement, elle traînait dans ces magasins bon marché, trop sauvagement timide, malgré sa brutalité, pour se hasarder loin de ce quartier qu'elle connaissait bien et oser pénétrer dans les boutiques du centre, où elle aurait eu largement de quoi acheter ce qui lui plaisait, où sa voiture aurait été remarquée comme l'une des plus chères et des plus belles (Isabelle elle-même, c'était sa science, connaissait le prix des modèles récents de toutes les marques), mais où, lui semblait-il probablement, la rudesse massive et tyrannique qui asseyait son règne chez nous autres, exilés de toutes provinces, la désignait comme une parvenue, sans éducation et ignorante des codes. "
Sachant qu'un des critères de lisibilité d'un texte est une longueur moyenne de 12 mots par phrase, écrire une phrase de 12 mots puis la délayer dans dix fois son volume.
Ecrire une phrase courte ( environ 12 mots ) et ensuite l'étoffer jusqu'à une seule et même phrase d'environ 120 mots.

Thierry
Je sortais de mon sommeil quand le pilote annonça l'arrivée prochaine à Jakarta, ville que je ne connaissais pas mais dont j'avais souvent rêvée au travers des livres, mégapole Indonésienne baignée par la mer de Chine et plantée au bout de la péninsule Malaise avec ses buildings et ses avenues luxueuses, mais aussi entourée de bidonvilles qui pouvaient rappeler les "favelas" de Rio ou dans une moindre mesure la cité des 4000 à la Courneuve, mais aussi, j'en suis sûr, à n'importe qu'elle grande ville dans le monde, où les riches repoussent la pauvreté hors de limites qui ne dérangent pas, je pensais à tout cela confortablement installé dans mon fauteuil de la classe affaire, certain qu'ici aucun pauvre ne viendrait briser mon rêve.

Clara
Les Asiates croient aux fantômes tandis que les Africains croient aux sorcières.
Si c'est parce qu'ils tranchent dans un monde de jaunes par leur pâleur potentiellement associée à la peur et à la mort ou bien parce qu'ils sont la seule explication possible à l'agitation lointaine et grondante qui soulève les entrailles de la terre que les fantômes sont crus et craints par les Asiates, alors on peut se demander si ce n'est pas au contraire un besoin de proximité qui pousse les Africains à charger et chasser les sorcières qu'ils rendent responsables de leurs maux, que ce soient les villages inexplicablement endeuillés, les femmes indéfiniment stériles, les amours inexorablement impossibles, les troupeaux progressivement décimés ou les pluies trop parcimonieusement répandues.

Christophe
Ils ne s’étaient pas revus depuis 15 ans, lorsque Lola rappela Léo. (11 mots)
Au sortir d’une nuit qu’il avait parcouru d’un trait de sommeil ininterrompu depuis le coucher jusqu’à l’aube, Léo, qui s’était réveillé l’esprit dégagé et apaisé en milieu de matinée, ne reconnut pas immédiatement la voix qui s’adressait à lui dans le combiné téléphonique mais qui pourtant éveillait l’écho mystérieux d’une familiarité, d’une proximité, autant déclenchée par la reconnaissance implicite et irréfléchie des sonorités que produisaient le jeu subtil de vibrations des cordes vocales de la personne qui l’appelait que par une façon coutumière de s’adresser à lui et de prononcer son nom avec le mélange d’habitude et de convivialité qu’engendre les sentiments partagés et les souvenirs communs, les complicités ordinaires et les intimes connivences, tant de sensations que Lola espérait faire resurgir sans avoir besoin de les évoquer mais plus simplement par la magie d’un envoûtement dont elle ne s’était jamais totalement dégagée. (143 mots)

Marijo
L’époque des fêtes évoque chez moi un sentiment d’hystérie collective que je déteste. (13 mots) En approchant de la fin décembre, époque tant attendue par des générations de mouflets et adultes nostalgiques d’une enfance innocente, accrochés aux rêves joyeux d’une fête ritualisée toutes religions confondues, on observe tant les magasins que les mairies, les églises que les écoles, les rues que les programme TV se faire un point d’honneur à se ouvrir de brillantes décorations sur le thème à grand renforts de guirlandes lumineuses, de paillettes et de père noël plus ou moins heureux, les foules se précipiter, les équipes de commerciaux doubler leurs effectifs, les rayons de jouets, les parfumeries et le disquaires se faire dévaster, les débits de cartes bleues atteindre des chiffres dépassant à coup sûr ceux de l’année passée, les crédits à la consommation exploser n terme de montants, les commerces d’alimentation faire un bilan mensuel au moins égal à ceux des onze autres mois, les œuvres caritatives profiter du moment pour adresser une demande culpabilisante de dons à tous les donateurs culpabilisés, l’armée du salut carillonner à tous les coins de rues, la poste doubler le nombre de ses facteurs pour distribuer en temps les colis, chacun d’entre nous passer de longues heures à réfléchir aux êtres aimés à gâter pour qu’en l’espace d’une nuit cette profusion d’attentions en tous genres disparaisse avalée par les bennes des éboueurs, profession qui aurait pu sembler protégée de cette hystérie collective.(228 mots)