dimanche, janvier 28, 2007

Atelier du 26 janvier 2007

Thierry
45 ans en paraissant 60, mal rasé, le cheveu hirsute, Vladich était professeur en histoire de l’art à Sarajevo. Depuis 5 ans il survivait à Paris à deux pas de la tour Eiffel. Au moment ou son pays sombrait dans un gigantesque trou noir, il s’était réfugié dans la ville des lumières de la vieille Europe. Un chemin de croix de 28 jours l’avait amené au pont de l’Alma, coincé entre un Zouave et le mémorial d’une princesse mal aimée. De sa terrasse en bord de Seine, il fumait de vieux mégots usagés en regardant l’avenir derrière lui. Il pensait qu’il pourrait encore tenir quelques jours avant de déménager dans un coin plus abrité. Bien qu’il n’aima pas dormir au-dessus de l’eau à cause de l’humidité et de la peur de tomber, cette année encore les poutrelles du pont seraient son refuge hivernal. Il s’habituait à cet endroit car il était tranquille. Les habitants du quartier ne venaient pas l’ennuyer, beaucoup d’appartements avaient les volts fermés. Seuls de rares africains ou Roumains avaient essayé de se joindre à lui, mais ils ne supportaient pas le bruit des voitures. Vladich n’y prêtait plus attention depuis bien longtemps. Vladich n’était sensible qu’u bruit des obus, la nuit dans ses rêves.
Un soir d’ivresse et de fumerie désespérée, il vit apparaître des chevaliers emmitouflés et bardés de gilets orange fluorescent. Il n’entendit que deux mots : Don Quichotte !


Marijo
Sous les yeux blasés des gratte-ciel frigorifiés, la marée humaine a envahie la cinquième avenue, mardi 26 décembre, premier jour des soldes. C'est la nuit et il fait clair comme en plein jour. Batailles des décors lumineux. Le couple avance. Comme pris dans une chenille de foire, son allure et ses mouvements ne sont plus sous contrôle, Il marche sur 100 mètres, est ralenti puis arrêté le temps que le feu passe au rouge. La course reprend jusqu'au bloc suivant. La femme se cramponne inquiète. Malgré toutes les occasions de se perdre, main dans la main ils progressent. Ils sont deux gouttes d'eau solidement liées dans le flux de million de gouttes d'eau et ils trottinent. Le torrent les porte sur la droite du trottoir, habitudes de circulation obligent. Spontanément, ils ont choisi d'emprunter le trottoir de gauche, ça coule mieux. A droite, les vitrines aguicheuses, autant d'écluses qui ralentissent le flot désorganisent le cours. La foule vive se réjouit des affaires à faire. Odeurs de pop corn et brinzel chauds, cris stridents des sirènes prioritaires, Quelques pères Noël désœuvrés ont gardé leur costume un peu flétri, difficile renoncement du passage au 26 décembre pour qui n'a que 24 heures de boulot par an! L'objectif : atteindre le MOMA avant la fermeture et pourtant impossible d'accélérer, le vitesse est imposée.