Atelier à Hardelot du 12 Mai 2007
Proposition d'après Microfictions
"Grand-mères d'autrefois" de Régis Jauffret
Régis Jauffret illustre l'une des tâches de l'auteur : se glisser dans une multitudes de personnages et créer des univers différenciés. Microfictions se présente comme un recueil de 500 fictions, souvent drôles et flirtant fréquement avec quelques horreurs si constitutives de l'humanité. A partir d'une de ces Microfictions la proposition consiste à dépeindre une grand mère en vacances (ce qu'aucun des participants n'était!) sans propositions principales (figre styllistique utilisée par R. Jauffret).
"- Maison de famille, l'été.
Construite à ras de la plage. La baie paisible. Pas de yatchs mouillés à proximité. Pas de bateau à l'horizon. On dirait qu'une portion de mer a été arrachée au large pour être posée là. De rares familles étendues sous des parasols rouillés, troués d'avoir passé l'hivers dans un abris de jardin. Les enfants qui courent sur le bord et qu'il faut supplier avant qu'ils consentent à profiter du beau temps pour se baigner dans l'eau froide. Les bébés qui piaillent un peu, qui dorment, qu'on sort du berceau pour les promener dans ses bras. Le marchands de glaces et de beignets qui passe avec son panier pendu à son coup par une courroie usée.
"
Christophe
Dans un village champenois ravagé par deux guerres. Rapidement reconstruits avec les moyens disponibles. Gris. Triste. Les rues bordées de murs en crépis. Quelques portes cochères avec les enseignes de propriétaires récoltants. Le village est à flanc de colline. L’est glisse vers le lit boisé de la Marne. L’ouest s’envole vers une statue de la vierge à travers des rangées de vignes. Les trottoirs sont étroits. Impossible de se croiser sans qu’un passant descende dans le caniveau. Ma grand-mère sort de chez la coiffeuse. Petite taille. Robe plissée. Cheveux courts. Sa mise en plis aux reflets mauves. Le clocher sonne 15 heures. Le Familistère, la boulangerie, le boucher et la Coop. Echange de sourires. Acquiescements. Signes de la main. Elle passe devant l’Eglise. De l’autre côté, la grille du château Montebello. Les caves Rolland Billecart. La maison Philipponat. Puis elle s’engage dans une large impasse. A gauche une pente douce pour que les camions montent les chargements de raisin vers le pressoir lors des vendanges. A droite, une maison louée à des ouvriers polonais. Au fond, la façade d’une maison à étages.
Marijo
90 ans à Noël, neuvième de la fratrie, dernière arrivée, dernière partie, Nati la mamie. Ravie, toujours en vie au haut de sa tour HLM. Un sourire réjoui. Mille choses à raconter, souvenirs d’une vie d’expatriée laborieuse et si exotique, trois couplets en espagnol et le reste en français.Dans la cuisine, un piaf solitaire compagnon de solitude. Son hobby : la gourmandise, préparer, déguster, partager avec qui la visite.
Au quinzième ni poussière, ni vitre à laver ni aide ménagère. Sa vie à servir et finir pas se faire servir despues ? Quand même...
Au quinzième le silence et les chants du pays.
Au quinzième pas de rideau, un jardin suspendu dopé à la lumière du ciel.
Au quinzième, la petite bonne venue de Saragos discute avec les nuages.
Au quinzième ni poussière, ni vitre à laver ni aide ménagère. Sa vie à servir et finir pas se faire servir despues ? Quand même...
Au quinzième le silence et les chants du pays.
Au quinzième pas de rideau, un jardin suspendu dopé à la lumière du ciel.
Au quinzième, la petite bonne venue de Saragos discute avec les nuages.
Hélène
Une grand mère en vacances.
Une location d’été pour une famille parisienne dans une région de châteaux et de propriétés de bridgeurs.
Des après-midis concentrés : autour de chaque table, trois joueurs qui lèvent le menton pour scruter les cartes jetées et qui le replongent dans leur écharpe pour préparer la réplique.
Les morts debout, accrochés au dossier de leur partenaire, et parfois à leur cane.
Une femme en tablier blanc, à la main discrète pour changer les verres de rafraîchissement.
L’âge moyen exige une lutte contre la déshydratation, l’insolation et l’humidité sous les arbres.
Une des participantes les plus fringantes, ma grand mère, un rouleau de cheveux teints sur la nuque et les lèvres perpétuellement en mouvement.
Ses trois préoccupations : vérifier qu’à la table voisine, son père ne manque de rien, que dans la bibliothèque, « son petit Jo » de mari ne s’impatiente pas , et GAGNER.
Chaque après-midi semble un combat : savoir faire équipe et gagner.
Depuis des années, ces couples tournent autour des tables ; une certaine excitation restera perceptible pour l’enfant que je suis, lorsqu’au dîner familial les coups seront commentés.
Une location d’été pour une famille parisienne dans une région de châteaux et de propriétés de bridgeurs.
Des après-midis concentrés : autour de chaque table, trois joueurs qui lèvent le menton pour scruter les cartes jetées et qui le replongent dans leur écharpe pour préparer la réplique.
Les morts debout, accrochés au dossier de leur partenaire, et parfois à leur cane.
Une femme en tablier blanc, à la main discrète pour changer les verres de rafraîchissement.
L’âge moyen exige une lutte contre la déshydratation, l’insolation et l’humidité sous les arbres.
Une des participantes les plus fringantes, ma grand mère, un rouleau de cheveux teints sur la nuque et les lèvres perpétuellement en mouvement.
Ses trois préoccupations : vérifier qu’à la table voisine, son père ne manque de rien, que dans la bibliothèque, « son petit Jo » de mari ne s’impatiente pas , et GAGNER.
Chaque après-midi semble un combat : savoir faire équipe et gagner.
Depuis des années, ces couples tournent autour des tables ; une certaine excitation restera perceptible pour l’enfant que je suis, lorsqu’au dîner familial les coups seront commentés.