Atelier du 7 juillet 06
La proposition faite par Hélène à partir d'un livre de Guy Carlier, journaliste et chroniqueur réputé, consistait à dresser le portrait à partir d'une énumération.
Christophe
Mourad est content parce que depuis quelques jours, l’année scolaire est terminée. Fini l’institut Louis Philippe où il était interne depuis son entrée au collège. Il était arrivé un jour de Septembre, il y a quatre ans, accroché à la main de son père car désormais ce n’était plus possible. L’enfant agité, nerveux, bagarreur serait désormais interne. Son père lui avait tout expliqué. Une mère partie vivre ailleurs mais qui devait l’aimer quand même entre les verres vidés et les bouteilles en attente, les horaires nocturnes de chauffeur de taxi, le studio cher et minuscule, les grands parents trop âgés pour continuer à accueillir un enfant si jeune et débordant d’énergie. C’était la meilleure solution. En tout cas celle que le père de Mourad avait trouvé. Et puis il rentrerait chaque fin de semaine et pour toutes les vacances. Il ramènerait son linge sale et repartirait avec du propre. L’enfant a découvert l’endroit. Mourad s’est habitué. Les classes se sont enchaînées et c’est un adolescent qui a ramené son sac pour la dernière fois. Maintenant qu’il a rangé ses affaires, Mourad pense à tout ce qu’il a perdu à l’internat Louis Philippe. Des règles et des crayons évidemment. Des slips et des chaussettes bien sûr, son père convient que c’était inévitable et le fils préfère désormais les caleçons. Des pantalons et des chaussures, ça étonne un peu plus mais on n’en a pas fait une affaire. Une console de jeux et un téléphone, c’est plus surprenant et ça a fait monter la tension d’un cran, mais après le père de Mourad se dit que ce sont des affaires qu’il ne remplacera pas. L’adolescent n’a pas encore prévenu que sa couette aussi avait disparue. Ca, il faudra bien la remplacer à la fin de l’été et la colère contenue explosera peut être. Mourad se dit qu’elle finira par passer. De toute façon, il sait qu’il a perdu beaucoup plus que cela pendant ses quatre années à l’Institut Louis Philippe…
Marijo
Une question de génération, une mode, un choix de vie?
Dans ce lotissement au nom riant " Le Jardin des Muses" à un quart d'heure de la gare du RER en marchant vraiment très vite. Pour remonter il faut compter une demie heure, la pente est forte. Dès six heures du matin un long défilé des voitures s'échappe en silence en direction de Paris laissant un lotissement sans vie jusqu'au soir, au plus tôt à 19 heures . Construits dans les années soixante-dix tous les pavillons sont semblables, le long des rues flanquées de noms poétiques ou pompeux en aucun cas originaux. On passe de la rue Gabriel Fauré à la rue des glycines ou des alouettes en passant par la rue du clos des lilas selon les quartiers.
Maisons jumelles d'un étage plantées derrière une clôture basse doublées de haie de fusains, portillon de bois au vernis très rapidement défraîchi. Ici un saule pleureur, là un cerisier, là un prunier grenat. Au loin le ronronnement de l'autoroute. (Les grands week-end ne sont pas si nombreux dans l'année) Au dessus le bruit des mouvements des avions d'Orly. (Vers de deux heures ça se calme à force de pétitions. )
L'incontournable collection de chouettes exposée dans l'entrée dont on découvrira la suite sur la table basse du séjour. Dans la maison voisine ce sont des tortues ou peut être des grenouilles qui ont émus les occupants. La toile de jute du séjour a vieilli et le soleil en a foncé les couleurs. On y distingue encore les tourne-sol géants qui à l'époque donnaient un aspect campagne au décor. Les rideau à embrases vieil or. Un gigantesque meuble télé sur lequel s'entasse quantité de K7 qu'on a jamais eu le temps de regarder. Tu sais c'est pas si facile, on n'a pas le temps. Pour éviter les embouteillages du matin Jean Claude part à six heures le matin et il préfère rentrer tard, ça roule mieux. La cheminée "Popoff" achetée au salon de l'habitat dès que le premier emprunt a été fini de payer. Le canapé cuir vert bouteille, on l'a acheté avec le budget des vacances qu'on a passées chez maman plutôt que de prendre une location à la Pérôz Guirec. La cuisine plaquée chêne foncé, achetée sur une promo de la foire de Paris. C'est avec l'argent de mon père qu'on s'l'ai payée. A l'époque on en rêvait. On a beaucoup discuté le prix et on a obtenu en plus un four à pain, la machine à faire des spaghettis, une sorbetière, un truc pour faire des conserves et des confitures et puis je sais plus trop quoi de très utile. Le micro onde a déjà été changé trois fois depuis qu'on est là. Finalement on aime bien les surgelés et puis, on n'a pas l'temps.
En fait les voisins on ne les connaît pas, on les entend s'engueuler de temps en temps mais on ne les voit jamais tu sais ils bossent aussi.
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